Beyrouth-Paris, un deuil partagé…
Article par: François el Bacha - Libanews
Scènes de guerre à Paris, l’Armée est dans la rue, elle patrouille, traque des terroristes. Paris ressemble désormais à Beyrouth, douleurs pour nous binationaux ou amoureux des deux pays, le dernier havre de notre sécurité se voit touché dans son cœur. Le Moyen-Orient se trouve pourtant à 3000 kilomètres de là mais aujourd’hui, il est si proche. Les mêmes scènes, les mêmes causes aboutissent aux mêmes effets, l’odeur de la poudre, le deuil. A un jour d’écart, Beyrouth Jeudi, Paris Vendredi, mes deux nations de sang sont en deuil. Interloqué et hébété à l’annonce de ces nouvelles.
En effet, étrange idée que de voir son refuge à son tour touché, personne en fin de compte n’est à l’abri du pire, le Monde est devenu global, hyper connecté, la terreur aussi… la solidarité également comme on peut le constater sur les réseaux sociaux, où s’affichent les images de divers monuments qui revêtent les couleurs françaises. Quand je vais en France, c’est pour me déconnecter du stress libanais, j’évite même de fréquenter la communauté libanaise parisienne mis à part quelques amis très proches que j’informe de ma venue. Aujourd’hui, ce refuge saigne. On est hébété de l’apprendre, on ne sait pas penser, on a l’impression d’être dans un anachronisme ou encore pas bien réveillé.
Ils visaient des gens innocents, qui ne sont en aucune manière liés aux conflits, aux idéologies. Ils visaient à instituer la terreur, à empêcher les gens de vivre. Ils visaient des passants, des clients de restaurants, des spectateurs d’un concert ou d’un match de football, ils visaient des gens qui vivent leurs vies. Ils visaient le partage, le bonheur d’être ensemble ou simplement de vivre, chose qu’on connait bien à Beyrouth
Une image saisissante est de voir, les spectateurs du match de foot, Français et Allemands, à qui on a, à peine, communiqué la nouvelle de l’attentat, entonner ensemble la Marseillaise.
Parce que c’est cela l’objectif au final de ces terroristes qui ont choisi de semer la mort et de se donner la mort. Nuire au bonheur quelqu’il soit. La signature de cet acte de kamikazes est connue, il s’agit de celle de l’Etat Islamique, plus communément appelée Daech, une organisation dénuée d’Humanité et qui se clame d’une religion, qui efface sur son passage, la vie normale et même l’identité culturelle comme le prouvent les destructions des monuments historiques à l’instar de ceux de Palmyre en Syrie.
Etrangement, on m’avait fait part, cette semaine, d’une hausse des mesures de sécurité, notamment au niveau des aéroports, comme si les autorités françaises n’excluaient pas des attaques. Funeste présage aujourd’hui confirmé. Il circulait même dans les médias des scénarios d’attaques possibles comme celui qu’on a connu alors que les autorités françaises minimisaient les actes terroristes en parlant de loup solitaires, de personnes déficientes mentalement, en dépit des témoignages nombreux qui contredisaient ces thèses. Il fallait taire la vérité qu’une organisation terroriste dont l’idéologie et basé sur une doctrine religieuse exportée par des « amis de la France », à savoir la doctrine Wahhabite et Salafiste sponsorisée par l’Arabie Saoudite et le Qatar entre autre, nos soit disants alliés qui soutiennent Daech en Syrie, hier directement mais aujourd’hui indirectement, soit coupable de ces crimes.
C’était presque inviter les terroristes en herbe justement à les commettre. Peut-être d’inviter également la population à la vigilance aurait pu amoindrir le bilan lourd de ces attaques avec plus de 140 morts et ces nombreuses victimes.
Plus de 500 djihadistes français en Syrie et combien d’autres encore ou de retour en France? On discutait du sexe des anges au niveau du ministère de la Justice pour savoir s’il fallait, oui ou non, les retenir en France, les interner à leur retour de Syrie et ainsi de suite. Il semblerait que l’intérêt supérieur de la Nation, celui de prévenir de tels actes, lui, n’a pas été retenu comme la priorité principale.
Les attentats de Beyrouth ont été marqués par une rare solidarité à quelques exceptions prêts, que cela soit au niveau de la classe politique d’habitude prompte à s’entredéchirer ou au niveau de la société civile. Il n’y avait plus de chiites, premières victimes, de sunnites, de chrétiens mais il y avait des libanais. Les victimes n’avaient plus de religion mais étaient reconnues comme victimes d’un acte ignoble, et d’ailleurs aucun libanais ne s’est associé à cet acte, puisque les kamikazes étaient syriens et palestiniens. Il s’agissait à la fois d’un signe encourageant mais également l’aveux que le reste, ce qui pourrait advenir pourrait être encore pire. Daech est aux portes du Liban, Daech est dans notre territoire, Daech gangrène certaines de nos zones, Daech retient des militaires libanais, notamment à Aarsal. Et la France refuse de nous donner les armes pourtant financées par l’Arabie Saoudite pour nous défendre.
Comment gérer ce stress qu’on connait bien au Liban. Certains ont choisi une forme de résistance, à continuer à vivre normalement, à ne pas avoir peur, d’autres ont choisi le déni, l’indifférence, enfin d’autres ont opté pour le repli ou l’exil. A plusieurs reprises, des proches ont été meurtris par la guerre jusqu’à dans leurs chairs, à plusieurs reprises, on a échappé de peu à des attaques. Passer à un jour près, à quelques heures près de l’explosion d’une bombe faisait parti du quotidien ici encore il y a peu.
Lors de mon dernier séjour en France, une personne proche m’avait invité à revenir m’y installer, prétextant que de toute façon tout allait mal au Liban, un non pays qu’il fallait à tout prix quitter. C’était également mal me connaitre, la bataille contre le terrorisme commence pour moi personnellement au Liban. Il ne s’agit plus de fuir, il s’agit de faire face à ce destin et à combattre ces menaces, chacun à sa manière, parfois par la normalité de la vie même.
La France était mon havre, ma zone de repli tactique avant de m’attaquer à nouveau au quotidien tel qu’on le connait au Liban. Il semblerait que cette zone de repli tactique soit désormais compromise. Plus rien ne peut être pareil… C’est un peu ce que cherchaient à commettre au final ces individus malades. Pour autant, faudrait-il que je change cette habitude?
Certainement que le fait de ne pas choisir de diffuser, en France, les images crues qu’on a l’habitude de voir sur les écrans libanais, ces images d’intestins, de têtes coupées, de reins, d’organes humains éparpillés sur les trottoirs après chaque attaque est bénéfique. Elle amoindrie le choc psychologique collectif pour des personnes qui n’y seraient pas habituées. Sommes-nous pour autant habitués à la terreur au Liban? Cette question n’a pas de réponse au final, cela fait 40 ans que cela dure ici, on nait avec, on vit avec, on meurt parfois avec. Et aujourd’hui cette question n’aura pas de réponse en France, parce que cette terreur est désormais mondiale.
François el Bacha