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Liban, la chute, la Révolution, 4 août et la Résurrection! -Par: Hiam MOUANNÈS

"Liban, la chute, la Révolution, 4 août et la Résurrection"

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Par: Hiam MOUANNÈS - Toulouse, France

 

Billet en hommage aux victimes de l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020

 

Peut-on faire le deuil du Liban sans faire le deuil de son identité et de son être ?

Peut-on oublier l’existence du Liban sans renier sa propre existence ?

Peut-on tourner la page à toute actualité sur le Liban sans avoir le sentiment de tourner le dos aux nôtres ? Peut-on écouter sans les ressentir au plus profond de notre chair les inquiétudes, les cris, les peurs et les pleurs provoqués par les tragédies qui s’y succèdent, dont celle du 4 août 2020 à Beyrouth ?

Peut-on vivre après la tragédie du 4 août 2020, ravageant, à 18h06, toute la capitale du Liban, happant des centaines de vies et endeuillant des mères, des pères, des familles entières et nos âmes à tous, survivants libanais sur le territoire ou dans les quatre coins du monde où la dignité de la personne humaine a encore un sens ?

Peut-on lire dans leurs yeux l’histoire unique de chacun des 4 millions de Libanais encore au Liban et des quelques 12, 15 ou 20 millions de la diaspora, sans y apercevoir la même souffrance, les mêmes blessures, la même nostalgie et les mêmes regrets de ne pouvoir vivre et mourir là où gisent nos ancêtres et tous ceux qui sont morts pour nos libertés ?

Peut-on encore supporter les déclarations fallacieuses des gouvernants libanais mafieux, véreux, complaisants avec l’ennemi, ayant fait main basse sur les deniers publics à fin d’enrichissement personnel et vendu nos dignités et la souveraineté du Liban pour quelques très hauts postes ? Comment ne pas avoir la nausée ou ne pas perdre la raison en raison du vide abyssal de leurs propos, en raison de leur diabolique indifférence, de leur malveillance, leur effronterie, leur haute trahison et leurs crimes contre le peuple libanais ? Comment ne pas vouloir franchir la Méditerranée tournant le dos à un Liban ainsi non-gouverné, ainsi occupé et ainsi saccagé par ceux-là mêmes qui sont censés le (et nous) protéger ?

Peut-on ainsi se sentir apatride tout en ayant un pays et quand bien même on aurait une double ou triple nationalité ?

Peut-on se sentir apatride tout en étant sur sa propre terre parce que cette terre implose dans le chaos, brûle et glisse définitivement vers les abîmes … sans un mot de contrition de la part des gouvernants malfaisants, à l’origine de nos malheurs et à l’origine (délibérée ou par incompétence) des crimes commis contre le peuple libanais ?

Peut-on exister tout en se sentant en orbite, parce que sans terre, sans nation, sans institutions, sans justice ni Etat digne de ce nom ?

Peut-on appartenir, se sentir appartenir, vibrer, être heureux, se donner corps et âme à nos pays d’accueil respectifs, sans compter son temps et sans pause, tout en ayant son âme ensanglantée de douleur parce que, là-bas, au Liban, il n’y a plus rien à donner, il n’y a plus que des victimes, du sang et des larmes, il n’y a plus de dignité de la personne humaine, il n’y a plus d’instants de bonheur simples, il n’y a plus (ou plutôt jamais eu) d’Institutions, il n’y a plus (jamais eu) de services publics, il n’y a plus de toits sûrs, il n’y a plus d’avenir, il n’y a plus qu’une terre brûlée, il n’y a plus que d’exodes … car il n’y a plus rien … même pas de médicaments … même pas d’électricité … même pas d’eau !

Tout ceci dépasse l’entendement. Mais c’est hélas la réalité. Et la réalité est encore plus sombre.

En effet, il y a encore des Libanais au Liban, des Libanais devenus tellement démunis qu’ils ne peuvent le quitter pour d’autres cieux. Ils y subissent, quotidiennement, toutes les humiliations et les atteintes à la dignité humaine. Le plus anodin de leurs droits est piétiné.

Il y a encore une catégorie de Libanais nouveaux riches bien installés et suçant le sang et la sueur de ceux des autres Libanais qui y survivent après avoir perdu le fruit de leur labeur et les économies d’une vie. Cette catégorie de riches de guerre, bien à l’aise dans ce système de corruption généralisée, pavane insouciante et arrogante sur la terre sainte du Liban, se nourrit de caviar, fume des cigares (à 500 $ l’unité), s’enivre de très bons champagnes, compte ses dollars volés des poches de ceux qui vendent leurs biens pour acheter du lait à leurs enfants. Cette catégorie ne se gênera pas demain pour revendiquer sa part dans la libération du Liban.

Il y a encore au Liban ce bloc de gouvernants-mafieux, criminels de guerre, traitres à la Nation et qui pillent le Liban et les Libanais depuis plus de trente-cinq ans avec une impunité totale, si insupportable et si indigne de l’histoire de l’humanité.

Cependant, moins visibles à l’œil nu mais ô combien dignes de l’Histoire du Liban, il y a encore au Liban et dans la diaspora des irréductibles soldats inconnus qui écrivent les pages du Liban de demain. Ce sont les révolutionnaires du 17 octobre 2019, ce sont aussi certains magistrats et avocats compétents (et donc n’ont pas à être serves), ce sont des Recteurs d’Universités, des enseignants, des chercheurs, des ingénieurs, des architectes, des essayistes, des poètes, des romanciers, des personnels de santé, des historiens, des journalistes, des artistes, des étudiants ou de simples travailleurs ; ce sont aussi les anciens combattants de la guerre du 13 avril 1975, ceux-ci mêmes qui ont empêché le complot de remplacement de la population libanaise par une autre en vue de résoudre le conflit israélo-arabe. C’est cette graine de Libanais survivants (au Liban et dans la diaspora) qui crie et œuvre pour la « justice et la paix au Liban », pour que « justice soit rendue aux victimes du 4 août 2020 », pour « lever l’immunité des politiques » en vue de juger les responsables des crimes contre le peuple libanais. De cette graine, piétinée et menacée par les sbires du pouvoir en place, renaîtra le Liban.

Oui, notre détermination n’a jamais été aussi définitive.

Oui, nous continuerons jusqu’au bout et nos enfants et petits-enfants reprendront le flambeau jusqu’à la renaissance du Liban de nos ancêtres.

Non, le Liban n’est pas à vendre. Nous l’avons refusé dès la première seconde de ce triste 13 avril 1975 ; nous avons combattu les forces du mal avec des moyens de fortune … jusqu’en 1989, date à laquelle, il a été décidé de nous épurer (arrestations arbitraires, exécutions, exil). Le plan de remplacement de la population libanaise ayant échoué en 1975, continue imperturbablement et sans discontinuité par d’autres moyens : attentats, assassinats, appauvrissement de la population, pollution anormale et criminelle, crise économique, pillage en règle des deniers publics, infiltration de la corruption à tous les échelons de l’administration, dévaluation de la monnaie nationale. L’accumulation de ces catastrophes poussaient inéluctablement les Libanais dans les bras d’autres pays d’accueil, vidant ainsi progressivement le Liban de ses forces vives.

La Révolution libanaise du 17 octobre 2019 ayant à son tour tenté de déjouer le complot visant la destruction totale du Liban, se trouva presque brisée par l’explosion au nitrate d’ammonium du port de Beyrouth ce tragique jour du 4 août 2020 !

MAIS :

Non, nous ne serons pas un peuple apatride !

Non, nous ne serons pas un peuple en orbite quémandant l’asile et des coins de terres pour enterrer nos morts loin de chez eux. 

Oui, justice sera faite pour les victimes de l’attentat du 4 août 2020.

Oui, justice sera faite pour le peuple libanais et le Liban recouvrira sa pleine et entière indépendance et souveraineté ...

Un an après la tragédie du 4 août 2020, la date du 4 août 2021 sera sans nul doute le début de la fin de règne des traitres au pays du Cèdre et le temps de la reddition des comptes.

L’Histoire n’est en effet pas terminée, elle est en écriture et elle correspondra en tous points à l’aspiration du peuple libanais : le renversement de la classe politique libanaise défaillante et corrompue, la restitution de l’argent pillé, le jugement de toute personne reconnue coupable d’enrichissement injustifié et l’organisation d’élections législatives anticipées pour la construction d’un Liban moderne avec une Justice indépendante et impartiale et des Institutions dignes de ce nom œuvrant pour et dans l’intérêt exclusif du peuple libanais.

Si le monde veut aider le Liban, un seul conseil, une imploration et une requête :

S’il vous plaît ne faites pas ou plus de dons au profit du Liban car ceux-ci ne parviennent jamais à leurs destinataires ! Les dons faits au Liban finissent dans l’écrasante majorité des cas dans des magasins où ils sont vendus au prix fort (en dollars bien sûr) ; le peuple libanais dans le besoin aura toujours aussi faim, les Libanais véreux en profiteront sans scrupule et les gouvernants en place continueront impunément à consolider leur position dominante par une distribution d’aumônes selon le degré de soumission des uns et des autres à leur égard ! Sachez que, si vous vous sentez déculpabilisés en « donnant au Liban », toutes aides financières, qu’elles soient individuelles, associatives et/ou étatiques sont et seront détournées sur place.

La seule aide qu’attend le peuple libanais c’est la constitution par la Communauté internationale d’une juridiction pénale internationale (civile ou militaire) en vue d’un « procès Nuremberg » pour le Liban. La seconde étape sera d’accorder au Liban un statut de neutralité internationale le mettant définitivement à l’abri de l’irrédentisme de ses voisins et à l’écart des enjeux géopolitiques de la région du Proche et du Moyen-Orient.

Tout le reste, nous nous en chargerons et nous en prêterons serment de fidélité à notre terre au nom de tous ceux qui sont morts pour nos libertés.

 

*Hiam MOUANNÈS -Maître de conférences HDR

Institut Maurice Hauriou, Université Toulouse 1 Capitole